Sur l'épaule de la nuit
Ce pourrait être une fable, pourtant c'est la vraie vie, le temps qui s'enfuit et nos amours perdues qu'évoque l'auteur dans ce roman à tiroirs secrets. Une vieille dame qui porte en écharpe le don du bonheur dévoile ici d'étonnantes recettes de vie et nous ouvre des chemins d'espérance.
Sous mes cheveux blancs de neige et dans mon corps sec et noué comme l'écorce nue, je suis un paysage d'hiver que le plein soleil a fui, une terre de silence, immobile et stérile. Je suis vieille, plus vieille qu'il n'est d'ordinaire donné de l'être. Je suis née au coucher d'un siècle, ai vécu le long du suivant, et me retirerai au lever d'un troisième. Mais quand ? C'est long, trois siècles... Je m'abîme, m'émiette, sans jamais encore toucher le fin fond de mes jours. Je dois mourir, il le faut. Que l'on m'aide !
Sur la table de nuit, mon rang de perles enroulé sur lui-même : un serpent luisant, mystérieux. Lui seul connaît mon secret.
C'était l'été d'une année de guerre, il y a plus longtemps que quiconque ne peut se souvenir : un amour de vingt-quatre heures qui devait changer ma vie... Nous n'étions pas dans le monde mais en périphérie du monde, au-dessus, en arrière, en dessous, tout contre mais clairement dissociés de lui. C'est cela que permet l'amour. Une apesanteur.
Je vais vous conter ces vingt-quatre heures, ensuite je m'effacerai du monde. Finalement, j'aurai été éphémère comme l'est la trace de l'eau glacée sur la pierre brûlante.