Une chance amère
Enfermée entre les quatre murs de son T2 de Créteil, Lok Yé regarde une cassette de comédie musicale khmère, une histoire d’amour à l’eau de rose. Sa petite-fille, Alice, lui rend visite après l’école. Elle s’installe sur un tabouret en plastique avec une part de gâteau au pandan et observe cette petite grand-mère silencieuse. Elle voit ses épaules affaissées, son corps qui plisse, lui donnant un air de boule crémeuse. Mais elle ne perçoit pas encore la violence à l’intérieur.
Des années plus tard, elle sent la nécessité de se plonger dans le récit familial pour questionner les femmes qu’ont été sa grand-mère et sa mère, prisonnières d’un passé traumatisé par l’exil forcé. Arrivées en France en 1975 après avoir fui le Cambodge, elles garderont toujours dans leurs corps la mémoire de la guerre et la transmettront aux générations suivantes. Dans Une chance amère, Alice Dumas Kol redonne chair à ces femmes fantômes, lève le voile sur leur silence meurtri et leurs combats intérieurs pour s’élever malgré le déracinement et la misère. Loin des stéréotypes et des préjugés, l’auteure nous offre une véritable photographie de la psychologie tourmentée de ces réfugiés sud-asiatiques qui ont choisi la France comme terre d’accueil.