Zone d'éducation privilégiée
À ses débuts, Louis Dumont enseignait à Vaulx-en-Velin, près de Lyon. Depuis une dizaine d'années, il est professeur des écoles près du jardin du Luxembourg, à Paris. Il est passé d'une zone d'enseignement prioritaire à une zone privilégiée. Pour cet instituteur assez sourcilleux sur la mission du système éducatif républicain, ça change quoi ?
En arrivant dans le 6e arrondissement, Louis n'a jamais cru s'offrir une sinécure au milieu des nantis, dans une école qui produit depuis des décennies son lot de sénateurs et de polytechniciens. Trop désillusionné pour ça, trop au fait des vaines circulaires inventées par son ministère pour compliquer sa tâche où qu'il soit, trop agacé par les clichés sur le « niveau en baisse » généralisé. Il sait que la partie est difficile partout. Et comme à chaque prérentrée, il scrute avec inquiétude le moindre signe annonciateur de dérapage. D'où qu'il vienne. Collègues aussi épuisés qu'irrités, directeurs défaits par le système, parents parfois déments quand il s'agit de leur progéniture. Et lui-même, est-ce qu'il n'a pas jeté l'éponge avant le premier cours ?
Louis est drôle. C'est ce qui le sauve. Et il retrouve toute sa flamme dès qu'il est en présence de sa classe. En présence d'un gamin à épauler. Quand se réveillent les mauvais instincts, Louis monte au front. Et cette année-là, c'est par la grâce d'une élève en colère, une élève « ingérable », qu'il s'offre un baroud d'honneur.